La région dite des « trois frontières » située dans la boucle du Niger est un espace aux contours géographiques imprécis qui concentre de nos jours tous les aléas et risques majeurs que symbolise un espace sahélien en crise généralisée : dégradation de l’environnement, tensions intercommunautaires, conflits armés, activités criminelles liées aux narcotrafiquants, crises alimentaires et nutritionnelles, épidémies, afflux massif de migrants, etc…


Une zone dite des « trois frontières »

Au plan administratif, la zone des trois frontières comprend les provinces du nord du Burkina Faso,
l’extrême ouest du Niger (région de Tillabéry) et tout le Gourma malien (notamment le triangle Tombouctou – Hombori – Menaka).
Ironie du sort, aux plans géographique et géopolitique, cet espace situé au cœur de la boucle du Niger correspond à l’Autorité de Développement Intégré du Liptako-Gourma (ALG).

Cette organisation sous régionale regroupant le Mali, le Burkina Faso et le Niger, créée en 1970 à Ouagadougou a comme but entre autres, de promouvoir dans un cadre régional, un développement harmonieux et intégré.


Dans son numéro de juillet 2019, le journal SEEDA (n° 59) soulignait déjà : « Le cruel et odieux spectacle de cette stratégie délibérée fondée sur la violence et la terreur qui se déroule chaque jour sous nos yeux dans la zone des trois frontières et la région du Lac Tchad, n’est plus à considérer comme un épiphénomène conjoncturel. Le phénomène qui s’inscrit désormais dans la longue durée, s’installe dans notre quotidien, divise et déchire les communautés nationales. Il s’agit aujourd’hui du plus grand obstacle pour le développement de l’ensemble de l’espace sahélien ».
De cette zone, de nos jours, l’attention du grand public n’est focalisée qu’autour du G5 Sahel,
le cadre institutionnel de coordination et de suivi de la coopération sous- régionale en matière de sécurité. Le rôle de cette organisation géostratégique est fortement médiatisé par les puissances occidentales.

Il s’agit aujourd’hui du plus grand obstacle pour le développement de l’ensemble de l’espace sahélien

Au-delà du G5 sahel et de l’ALG, la transformation du Sahel ouest africain en un «Far West» par des groupes radicaux de tout genre, constitue également un échec pour toutes les autres organisations
sous-régionales comme le CILSS, l’UEMOA, la CEDEAO, etc. En effet, à l’image du G5 Sahel, toutes ces organisations comportent (peu ou prou) dans leurs textes fondateurs une disposition statutaire qui vise (à terme) à faire de la sous-région : « un espace économiquement intégré, socialement prospère, culturellement riche, où la sécurité et la paix règnent durablement, en se fondant sur l’état de droit, la bonne gouvernance et la démocratie, par la création d’une communauté moderne ouverte à l’innovation et à la technologie, unie, solidaire et tolérante, contribuant efficacement à l’amélioration constante de la qualité de vie de toutes ses populations à tous les niveaux» (SDS G5 Sahel).

Du contexte sécuritaire des années 1990 et la contribution du SNECS.

Comparaison n’est pas raison : lorsque dans les années 1990 notre pays a été confronté à une rébellion armée regroupant plusieurs fronts, l’accord de paix entré en vigueur le 25 avril 1995 a été obtenu grâce à la mobilisation de toute la nation nigérienne. En son temps, le programme cadre de la rébellion a suscité la réaction des universitaires nigériens qui ont publié dans un numéro spécial du Bulletin d’information du Syndicat National des Enseignants et Chercheurs du Supérieur (SNECS), un manifeste intitulé «éléments de réponse au programme cadre de la «résistance armée». Dans ce document, le SG du SNECS de l’époque Monsieur Galy Kadir AbdelKader écrit: «le SNECS se fera un devoir d’apporter sa contribution pour donner au large public les éléments pour juger les aspects de la rébellion sur un plan politique, un plan juridique, un plan sociologique et un plan historique afin que les nigériens saisissent les différents enjeux et nous pensons ainsi pouvoir contribuer sur le plan qui est le nôtre, à faire la lumière sur ceux que les nigériens devront payer pour sauver leur unité et mesurer le prix de la guerre ou de la paix ».

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Le manifeste a eu un large écho aux plans national et international.
L’opinion, publique nigérienne a pu ainsi être édifiée sur le contenu véritable du Programme Cadre de la Résistance Armée (PCRA). On a pu constater ainsi que certaines affirmations contenues dans ce programme (notamment la partie historique justifiant les revendications territoriales) ne sont ni plus ni moins, qu’une « gigantesque falsification de l’histoire » selon l’éminent Pr Djibo Hamani (SNECS info p.25).

C’est pourquoi, nonobstant, les nombreuses interventions et contributions écrites de nos compatriotes spécialistes de la question dans les médias, forums, colloques internationaux et revues scientifiques, la situation sécuritaire de notre pays mérite une mobilisation beaucoup plus importante des universitaires nigériens.

A Propos de l’auteur. Professeur Boureima Alpha Gado

Le Professeur Emérite de l’Université Abdou Moumouni de Niamey (Niger) Boureima Alpha Gado est historien économiste spécialiste des crises alimentaires du Sahel.