De nos jours, notre attention, toute notre attention se focalise sur les conflits liés à l’extrémisme religieux ou à la mauvaise gestion des espaces disputés (contentieux territoriaux, conflits fonciers…). Nous oublions que le nombre des catastrophes naturelles augmente de manière considérable sous nos yeux. En effet, selon le secrétariat de la stratégie internationale de prévention des catastrophes de l’organisation des Nations Unies (ONU/SIP) et le bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (ONU/BCAH), « le nombre de catastrophes a doublé au cours des dernières décennies dans le monde, passant en moyenne de 200 à plus de 400 par an. De ces catastrophes, 9/10 seraient liées au climat. Selon les prévisions actuelles concernant le changement climatique, cette tendance devrait se maintenir, ce qui se traduira par une augmentation de la fréquence et de l’instabilité des phénomènes météorologiques extrêmes » Cela veut dire que nous devons nous préparer pour faire face à beaucoup plus de pandémies, d’invasions acridiennes, d’inondations, de vent de sable, de sécheresses, de flux migratoires, etc. Face à la recrudescence des phénomènes climatiques extrêmes et autres chocs de type anthropique, les pouvoirs publics et leurs partenaires ont trouvé une alternative, un levier à actionner en cas de catastrophes : l’aide humanitaire d’urgence. Cet outil, incontournable en cas de crise humanitaire majeure comme celles que nous vivons actuellement (COVID 19, inondations, conflits armés) est malheureusement un couteau à double tranchant. Parmi les acteurs du développement, cette forme d’aide a ses adeptes et ses détracteurs

Partisans et adversaires

Au plan alimentaire, l’aide humanitaire d’urgence est considérée par les pouvoirs publics et les organisations internationales comme une stratégie permettant non seulement de faire face aux situations d’urgence, mais également comme un moyen d’aider les populations bénéficiaires d’assurer, à terme, l’autosuffisance alimentaire. Le Pr Joseph Klatzmann (1996), auteur de l’ouvrage « Nourrir 10 milliards d’hommes »‘est un des partisans de cette théorie néolibérale. Il est favorable à la loi du marché et à un accroissement accru de l’aide comme solution au problème alimentaire mondial. Selon lui, l’aide alimentaire est très utile, mais, elle est mal utilisée et l’on peut lutter contre cette mauvaise utilisation pour favoriser une sécurité alimentaire durable. Ainsi, l’aide humanitaire peut apporter non seulement un soulagement immédiat pour les groupes les plus vulnérables, mais, elle peut également, si elle est bien utilisée, contribuer à accroître la production agricole. Cet avis est partagé par les organisations humanitaires pour qui, en cas de calamité naturelle et dans les conditions d’extrême misère, l’aide humanitaire permet d’atténuer les effets de la crise et favoriser la résilience. . A l’inverse, pour les altermondialistes et les ONG œuvrant pour un développement durable, sous sa forme actuelle, l’aide humanitaire est incapable d’assurer la sécurité des conditions de vie des groupes vulnérables. Pour eux, la mise en œuvre de cette forme d’aide n’a pas pour objectif principal l’amélioration des conditions de vie des populations victimes des catastrophes, mais plutôt, les profits que drainent les transactions internationales des céréales, les marchés de la faim. C’est ce combat que ne cesse de mener depuis plusieurs décennies l’un des chefs de ligne de cette doctrine, le sociologue et altermondialiste suisse Jean Ziegler. Il est rapporteur spécial de l’ONU sur les questions de droit à l’alimentation et auteur de nombreux ouvrages sur cette problématique dont : « géopolitique de la faim » (2014) et « l’empire de la honte » (2015)

Le proverbe Chinois

La fin du recours à l’aide humanitaire massive en cas de catastrophe n’est pas pour demain car, en dépit des ces multiples effets pervers, depuis près de 50 ans, cette forme d’aide n’a cessé d’accroitre et, les critiques envers elle, n’ont jamais été aussi nombreuses et aussi acerbes. Au sahel plus qu’ailleurs, ce proverbe chinois, classé parmi les 18 plus beaux proverbes, est plus que d’actualité : « Si tu donne un poisson à un homme, il se nourrit une fois. Si tu lui apprends à pécher il se nourrira toute sa vie ».

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