En effet, pour certains, la chefferie Zarma du Zigui est d’origine coloniale. Les informations rapportées ci-dessous peuvent être vérifiées dans de nombreux ouvrages parmi lesquels : URVOY (1947), Boubou HAMA (1967), Boubé GADO (1980), J.P ROTHIOT (1988), Fatimata MOUNKAILA (1989).

A. Origine des institutions politiques dans le Zarmatarey

Après la mort de Mali Béro, le grand Tagour fut parmi ses successeurs. Il hérita des deux principaux symboles royaux : le Zarmakoytarey (le trône) et le Tambour royal (Toubal). Il rassembla, dans un royaume unifié, tous les groupes Zarma et Zarma-songhay apparentés trouvés sur place (Zarma-Gollé, Zarma Kalé, Zarma-Sabiri, Zarma-Wazi, les Lafar, les Ki, les Gabda, les Goumandey, etc.).

  • Dans son ouvrage intitulé « Histoire traditionnelle d’un peuple les Zarma-songhay » Boubou Hama écrit : « Quoi qu’il en soit de l’ensemble de nos traditions communes Zarma et Sonrai, nous pouvons considérer avec Urvoy que du 16ème au 18ème siècle, les Zarma assurant la relève des Songhays sur la rive gauche du fleuve Niger, ont formé un Etat unique qui va bientôt se heurter aux Touareg et aux peul du Dallol ».
  • Dans « Histoire des populations du soudan central » Ives Urvoy écrit également : « A la fin du 17ème siècle, Tagour rassembla sous son autorité tous les Djerma éparpillés parmi les songhays et qui sont organisés depuis un demi-siècle en petites communautés indépendantes. Tagour est le véritable fondateur d’un royaume et de l’unité du peuple Djerma. Le 18ème siècle est le seul où ils (les Zarma) avaient formé un état unique qui marque leur apogée ».
  • Dans son livre intitulé « le Zarmatarey », à propos du royaume Zarma de Kobi, Boubé Gado écrit : « Si le Zarmaganda fut le berceau, la terre de gestation du peuple Zarma, le Tondikandje, c’est-à-dire la partie du dallol Bosso autour de Kobi vit la consolidation du pouvoir de Tagour probablement un fils direct de Mali Béro qui a su rallier momentanément tous les membres de la grande maison des derniers Zaberi-Benda qui acceptèrent tous la direction de Tagouru. ….. Tagourou Gana eut un long règne »
  • Enfin, pour nous limiter à ces quatre auteurs, E. Séré de Rivières écrit : « Tagour imposa son autorité à tous les groupes Zarma qui s’installèrent au terme de leur exode. Il fut à la fin du 17ème siècle le premier prince Djerma, littéralement le premier Djermakoye qui réunit, en un seul peuple cohérent, relativement unifié, d’abord dans le Tagazar puis à Kobi dans le Tondikandje ».

B. Titres et fonctions des dignitaires à la cour du Zarmakoye

Le pouvoir central : le Zarmakoye et sa cour (Fada)
Dans le Zigui (Dosso- Labo), le pouvoir central est exercé au sein d’une Fada (la cour royale) par de hauts dignitaires.

1.1 – Zarmakoye
Chef suprême des Zarma, le titre de Zarmakoye est utilisé à Dosso, Tessa (Zigui), Harikanassou (Kiota, Boboye), Damana (Tondikandja), etc. D’autres chefferies Zarma, pour des raisons socio-historiques, utilisent les titres de Wonkoy, Amirou, ou Mayaki (N’Dounga, Kirtachi, Hamdallahi, Dantchandou, etc.). Le Zarmakoye assure la paix et la prospérité de son peuple. Assisté d’un Alkali (juge), il rend la justice selon la coutume et la tradition zarma. Il lie des relations d’amitié et de solidarité avec des souverains alliés. A à la mort d’un souverain, son successeur était connu d’avance parmi les princes héritiers. C’est un Yarima, prince héritier, qui était élu par un collège électoral. Le collège électoral est constitué par des dignitaires représentant les principaux lignages issus des patriarches à l’origines des premiers quartiers de la cité. Dans la gestion quotidienne de son territoire, le Zarmakoye est aidé par des dignitaires constituant son gouvernement.
Les titres et Fonctions à la cour du Zarmakoye sont de plusieurs ordres.

1.2 – Titres attribués aux chefs des communautés socialement ou politiquement structurées.
A l’époque du grand Tagour, des titres sont attribués aux chefs des communautés ou formation sociales politiquement organisées. Il s’agit de communautés coutumières Zarma-songhay ou apparentées trouvées sur place dans le Zarmaganda, le Boboye ou le Zigui. Il s’agit notamment du :

  • SABIRIKOY OU SANDI : Chef de terre, le Sandi représentant des Zarma-Sabiri premiers habitants de Dosso, est un dignitaire d’une catégorie spéciale. A l’époque précoloniale, il serait le seul à bénéficier du privilège de s’assoir sur une natte en présence du Zarmakoye. Il fait office de conseiller spécial du Zarmakoye. Sa fonction principale consiste à présider la cérémonie d’intronisation du nouveau Zarmakoye. Avant l’arrivée du colonisateur, le Sandi était chargé de rassembler et d’examiner la légitimité et prince héritiers (le Yarima). Il assure ainsi la présidence du collège électoral en vue de la désignation du prince héritier.
  • LE GOLEKOYE : le Golékoye fait partie des grands dignitaires à la cour du Zarmakoye où il représente les Zarma-Gollé. Il est un des hommes de confiance de Zarmakoye. Traditionnellement, au moment du rasage, c’est lui qui recueille la chute des cheveux du nouveau Zarmakoye. Il était chargé (principalement) par le Zarmakoye du règlement des contentieux en cas de différents entre princes.
  • Gabdakoye, Kalakoye, Goumandikoye, Maourikoye, Goubékoye, Wazi, Goubékoy etc.
    Même si certains dignitaires continuent à être désignés dans ses communautés (cas de la chefferie Wazi à Kaffi par exemple) de nos jours, à Dosso, des fonctions politiques ayant existé par le passé ne sont plus attribuées par le Zarmakoye car les groupes concernés sont complètement intégrés (par métissage) et confondus aux descendants de Mali -Béro.

1.3 – Fonctions politiques, administratives et religieuses

  • YARIMA : c’est la deuxième personnalité de la cour, le vice Zarmakoye) dauphin, successeur élu du Zarmakoye. Le Yarima assurait l’intérim du Zarmakoye en cas d’absence ou d’empêchement. Le Yarima peut cumuler son titre avec celui de Laboukoye pour administrer la ville de Dosso et les villages environnants issus des cinq quartiers fondateurs de la ville Dosso : Dosso-Beri, Oudounkoukou, Sirimbey, Mangue-Kwara et Kwarategui A la cour de Dosso, de nos jours, c’est le Marafa qui assume cette fonction de Vice-roi, prince héritier.
  • IMAM : L’imam de la grande mosquée assure une fonction spécialement religieuse ; conseiller du Zarmakoye pour toutes les questions touchant la religion musulmane, l’Imam est choisi en alternance dans les grandes familles maraboutiques de Dosso comme le quartier « alphagueye » de Kwaratégui. Il dirige la grande prière du vendredi et les séances collectives de lecture du Coran lors des grands événements. L’iman est chargé souvent des affaires sociales notamment des secours aux sinistrés en cas de calamité et autres dons destinés à la classe maraboutique.
  • ALKALI : juge principal qui assiste le Zarmakoye dans les arbitrages des délits et conflits sociaux

1.4 – Autres proches collaborateurs et conseillers du Zarmakoye (vocables empruntés)

  • WAZIRI : proche collaborateur du Zarmakoye, le Waziri aménage l’emploi du temps notamment la journée du Zarmakoye.
  • MAIFADA : Grand animateur à la cour, le Maifada est chargé du protocole, des cérémonies, des grands événements et hôtes de marque du Zarmakoye. Il sert d’intermédiaire entre la cour et le Zarmakoye.
  • Deux autres titres (des concepts importés également) apparaissent et disparaissent au gré des différents Zarmakoye : MIZINDADI : notable favori parmi les conseillers et homme de confiance du Zarmakoye et AZIA qui s’occupe des finances du palais.

1.5 – Titres ou fonctions militaires ou de police

  • WONKOYE : C’est le commandant en chef des armées, auquel s’est substitué le concept haussa Mayaki (chef de guerre). Le Wonkoy ne résidait pas forcement à Dosso.
  • MAYAKI : Traduit littéralement Mayaki veut dire « chef ou le responsable de la guerre ». En temps de guerre le Mayaki a sous ses ordres
    – Les Yarou Béri (auquel s’est substitué de nos jours le titre de Zaroumay). Le Yarou Beri désigne généralement un guerrier célèbre qui a fait ses preuves en cas de guerre. L’expression « Sarkin Kofa » ou Kofa (gardien de la porte) est aussi un emprunt au haoussa. Au 19ème siècle les grandes portes de la forteresse de Dosso étaient défendues aux quatre coins cardinaux par des Yarou-Béri.
    De nos jours, le Zaroumaye désigne un prince héritier potentiel au trône qui figure parmi les principaux conseillers du Zarmakoye. Ses attributions (commandement ou Laboukoye) sont permanentes
    – Le Tongo-Farma : commandant en chef de l’infanterie notamment les archers.
    – Le Goukoye: commandant en chef de la cavalerie (aujourd’hui Oubandawaki)
    – Le Takoubakoy: commandant en chef des fantassins armés d’épée.

1.6 – Fonction sécuritaire et de publique

  • SARKIN DOGARAY : dignitaire chargé de la sécurité et l’ordre public ; exécute les ordres du Zarmakoye.
  • ZAGUI : chargé de la protection personnelle du Zarmakoye dont il porte les armes et précède la monture.

1.7 – Dignitaires représentant des catégories socioprofessionnelles spécifiques

  • KAGAM0UZA : auquel s’est substitué le Galadiama l’origine d’origine servile, messager, dignitaire responsable des groupes castes. Autrefois il jouait un rôle important comme messager du Zarmakoye chez les adversaires avant d’entamer la négociation.
  • NYAMKALA/ (ET/ OU MAKADA) chefs des griots, d’origine servile est gradient des TRADITIONS D’ORIGINE ET COUTUMES ZARMA.
  • Zamkoye : chefs des artisans de la forge ; messager, en temps de guerre ; chargé des pourparlers et conciliation avec les adversaires.
  • Sarkin Noma : dignitaire à la cour du Zarmakoye chargé des questions agricoles, de l’entretien des champs communautaires et de la main d’œuvre agricole.
  • Sarki Yara : dignitaire à la cour du Zarmakoye chargé des problèmes de la jeunesse et des sports. Il organise les courses de chevaux, les parties de chasse, etc.

C. L’administration territoriale

Un peu d’histoire. Historiquement où se limitait l’influence u Zigui Labo ? Je n’ai pas de réponse précise. Il convient toutefois de préciser que Zigui Labo historique ne se confine pas aux limites territoriales données actuellement à la Province ou au Sultanat, c’est-à-dire le département comportant neuf (9) communes rurales. Toute définition tendant à le circonscrire dans les limites du département est anachronique. La forme de suzeraineté du Kebbi sur Dosso et les formes d’alliance du Zigui avec les autres voisins et alliés comme Kiota, Koygolo, Loga, Sokorbé, Tibiri, Yelou, etc. sont objet de controverses au niveau de historiens. Elles doivent être clarifiées par des recherches ultérieures de jeunes historiens. Cependant, à propos des guerres d’influences de Sokoto et Kabi sur le Zarmatarey et le Boboy qui ont duré plus de 50 ans, les travaux des historiens de l’Université de Sokoto soulignent, au plan militaire et politique, la suprématie du Zigui, en raison peut être du rôle de premier rang joué par les Wangari du Zigui la libération du Kabi.

Comment était administré le Dosso le Zigui ?
Le Zarmakoye confie aux princes héritiers l’administration des différentes principautés historiques ou communautés territoriales. Chaque communauté territoriale appelée Labou était administrée par un Laboukoye (littéralement chef de terre, ou chef de l’espace territorial déconcentré). L’administration locale comporte trois paliers :

  • Le Laboukoye : Le Laboukoye administre une principauté (ou communauté territoriale). Chaque Laboukoye reçoit délégation du Zarmakoye pour gérer « son Labou ». Le Laboukoye autorise la création d’un nouveau village don il fixe les limites foncières. Les décisions du Laboukoye sont susceptibles d’appel devant le Zarmakoye. Avec la colonisation, certaines de ces communautés territoriales furent érigées en canton puis, plus tard en secteurs constituant actuellement les différentes communes rurales du département.
  • Le Kwarakoye (chef de village) : Le chef de village représentant son village reçoit délégation du Laboukoye pour gérer les différends de tout genre au sein du village. Il est aidé dans cette tache par des chefs de quartiers ; mais ses décisions sont susceptibles de recours devant le Laboukoye.
  • Le Koureykoye : chef de quartier administre un quartier du village. Le Koureykoye est le représentant des chefs de famille auprès du chef de village.

L’ensemble de ces titres et fonctions ne sont pas héréditaires. Le choix est du seul ressort du Zarmakoye qui est conseillé par le Sandi. Toutefois, certains notables sont choisis en rapport avec certains lignages ou corporation spécialisées dans la fonction. C’est le cas des titres de Sandi, Wonkoy, Mayaki, Galadiama, Kagamuza, Nyamkala.